Les origines du Carnaval : entre carême, fêtes païennes et calendrier chrétien
Le Carnaval est aujourd’hui synonyme de déguisements, de défilés colorés et de fêtes populaires animées. Pourtant, derrière les chars décorés et les masques festifs se cache une histoire complexe, à la croisée des traditions chrétiennes, des rites païens et des pratiques sociales populaires. Comprendre les origines du Carnaval permet de mieux saisir le sens de ces célébrations, encore très vivantes en Europe, en Amérique latine ou dans les Antilles.
Le mot « Carnaval » viendrait de l’expression latine carne levare (« enlever la viande ») ou carnis levamen (« dispense de viande »), en référence à la période précédant le Carême. Dans la tradition chrétienne, le Carême est une période de 40 jours de jeûne, d’abstinence et de sobriété, qui débute le Mercredi des Cendres et mène jusqu’à Pâques. Le Carnaval s’inscrit donc comme une phase de transition : c’est le temps durant lequel on mange, on boit et on se divertit avant l’entrée dans l’austérité.
Mais les origines du Carnaval sont également à rechercher dans les fêtes païennes de l’Antiquité. Les Saturnales romaines ou encore les fêtes dionysiaques grecques mettaient déjà en scène des inversions de rôles, des excès, des processions masquées et des banquets publics. Ces célébrations d’hiver et de fin de cycle agricole ont peu à peu été intégrées, transformées et christianisées pour donner naissance aux carnavals médiévaux, centrés autour de la période pré-carême.
Ainsi, le Carnaval est une fête de seuil : il marque le passage entre deux temps, entre l’abondance et la restriction, entre la liberté excessive et la discipline religieuse. Ce caractère de « dernière fête avant le Carême » reste aujourd’hui un élément fondamental de sa symbolique, même dans les villes ou les pays où la pratique religieuse est moins présente.
Le lien entre Carnaval et Carême : manger, boire et renverser les règles
Au Moyen Âge et jusqu’à l’époque moderne, le Carême impliquait des interdits alimentaires stricts (notamment l’interdiction de consommer de la viande et des produits gras) ainsi qu’un recul des réjouissances publiques. Le Carnaval correspondait donc à un moment de relâchement à la fois physique et social. On y consommait les dernières réserves de viande, de beurre, de lard, d’œufs et de sucre avant l’entrée dans la période de privation.
Ces excès se traduisaient par des repas collectifs, des banquets de village, des dégustations de crêpes, de beignets ou de gaufres, encore très présents aujourd’hui. La symbolique de manger « gras » juste avant le Carême a donné naissance au fameux Mardi Gras, jour culminant du Carnaval dans de nombreuses régions.
Au-delà de l’alimentation, le Carnaval permettait de renverser provisoirement l’ordre établi. Les hiérarchies sociales, politiques et même religieuses étaient moquées, caricaturées ou inversées à travers les défilés, les farces et les mascarades. On assistait à :
- des cortèges où les paysans se déguisaient en nobles,
- des pièces satiriques ridiculisant les puissants,
- des élections symboliques de « roi du Carnaval », souvent tournées en dérision,
- des jeux de rôle où les genres, les âges et les statuts étaient inversés.
Cette dimension d’inversion sociale, même si elle semble plus atténuée aujourd’hui, reste perceptible dans de nombreux carnavals contemporains où l’on se déguise pour s’échapper, le temps d’une fête, de son identité quotidienne et des normes habituelles.
Déguisements, masques et costumes : symboles essentiels du Carnaval
Les déguisements de Carnaval sont l’un des éléments les plus emblématiques de cette fête populaire. Porter un masque de Carnaval, revêtir un costume extravagant ou incarner un personnage permet de jouer avec son identité, d’explorer d’autres rôles et de vivre une forme de liberté ludique.
Historiquement, les masques et les déguisements remplissaient plusieurs fonctions :
- masquer l’identité pour permettre la satire sociale sans représailles directes,
- incarner des figures symboliques (roi du Carnaval, diable, mort, animaux, personnages comiques),
- prolonger les héritages des mascarades médiévales et des rites saisonniers anciens,
- permettre l’anonymat des excès, des jeux et parfois des critiques de l’ordre établi.
Les costumes varient selon les régions et leurs traditions. On trouve ainsi :
- des costumes d’arlequin ou de pierrot dans la tradition européenne,
- des tenues de bal masqué rappelant le Carnaval de Venise,
- des déguisements colorés agrémentés de plumes et de paillettes dans les carnavals brésiliens,
- des masques effrayants ou grotesques dans certains carnavals alpins ou ruraux.
Pour les particuliers, les déguisements de Carnaval sont devenus un marché à part entière. On trouve aujourd’hui un large éventail de costumes de Carnaval pour adultes et enfants, des accessoires (masques, chapeaux, perruques, maquillage) et des décorations spécifiques (guirlandes, confettis, bannières) qui participent à l’ambiance festive. Les boutiques spécialisées, les sites de vente en ligne ou les magasins de fête proposent des collections dédiées à cette période, permettant à chacun de personnaliser son personnage et de s’approprier la tradition à sa manière.
Les grandes traditions de Carnaval dans le monde : fêtes populaires et identités locales
Si les origines du Carnaval sont en partie communes, les formes qu’il prend aujourd’hui sont extrêmement variées. Chaque région a développé ses propres traditions de Carnaval, mêlant héritages locaux, influences historiques et créations contemporaines.
Parmi les carnavals les plus célèbres, on peut citer :
- Le Carnaval de Rio de Janeiro : sans doute le plus médiatisé au monde, il est marqué par les défilés spectaculaires des écoles de samba, les chars gigantesques, les costumes flamboyants et les rythmes entraînants. Cette fête populaire brésilienne met en avant la musique, la danse et l’occupation de l’espace public.
- Le Carnaval de Venise : héritier des fastes de la République de Venise, il est connu pour ses masques raffinés, ses costumes baroques et ses bals masqués. L’ambiance y est plus théâtrale, avec une mise en scène de l’anonymat, du mystère et de l’élégance.
- Le Carnaval de Nice : l’un des plus anciens carnavals de France, célèbre pour ses batailles de fleurs, ses chars satiriques et ses grosses têtes caricaturales. Là encore, la satire sociale et politique est au cœur des défilés.
- Le Carnaval de Binche (Belgique) : inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO, il met en scène les « Gilles », personnages costumés au masque de cire et au costume orné, qui défilent au son des tambours et jettent des oranges au public comme porte-bonheur.
- Les carnavals antillais (Guadeloupe, Martinique, Guyane) : ils mêlent héritage européen et africain, avec des costumes hauts en couleur, des musiques de rue, des personnages traditionnels (diables rouges, « vidés ») et une forte dimension communautaire.
Dans de nombreuses villes, ces fêtes populaires sont aussi devenues des événements touristiques majeurs. Elles attirent des visiteurs du monde entier, stimulent l’économie locale et valorisent le patrimoine culturel. Cette dimension touristique contribue également au développement de produits dérivés spécifiques : souvenirs, masques artisanaux, CD de musiques de Carnaval, accessoires ou décorations thématiques.
Rituels, symboles et personnages du Carnaval traditionnel
Au-delà des défilés et des fêtes de rue, le Carnaval est structuré par des rituels et des personnages récurrents, qui varient selon les régions mais répondent souvent à des logiques communes. Parmi ces éléments symboliques, on retrouve fréquemment :
- Le roi du Carnaval : personnage fictif, souvent représenté par un mannequin géant, qui incarne les excès, les fautes et les débordements de la période. Il est parfois « jugé », puis brûlé publiquement à la fin du Carnaval, acte qui symbolise la purification et l’entrée dans le Carême.
- Les géants et grosses têtes : figures démesurées qui représentent des notables, des personnages historiques ou des types sociaux, souvent traités avec humour et dérision.
- Les bandes et confréries : groupes organisés (sociétés de Carnaval, écoles de samba, groupes de musiciens) qui préparent costumes, musiques et chorégraphies plusieurs mois à l’avance.
- Les danses et musiques traditionnelles : fanfares, tambours, chants de rue, mais aussi répertoires codifiés propres à chaque région, qui rythment les défilés et les rassemblements.
Ces éléments sont parfois accompagnés de rituels très précis : dates d’ouverture du Carnaval, proclamation officielle, remises de clés symboliques de la ville, processions spécifiques. La fête s’inscrit ainsi dans un temps cadré, avec un début et une fin clairement marqués, encadrant la période pré-carême.
Le Carnaval aujourd’hui : entre tradition, commerce et créativité
Dans les sociétés contemporaines, le Carnaval continue d’évoluer. Si son lien avec la pratique religieuse du Carême s’est affaibli dans certaines régions, la dimension festive, créative et communautaire reste très présente. Les collectivités locales, les associations et les groupes de quartier jouent un rôle central dans l’organisation des défilés et des animations.
Parallèlement, le Carnaval est devenu un moment fort du calendrier commercial. On assiste chaque année à une augmentation de l’offre de :
- déguisements de Carnaval pour enfants et adultes,
- masques, accessoires, perruques et maquillage festif,
- décorations de fête (guirlandes, ballons, confettis, vaisselle jetable thématique),
- produits alimentaires spécifiques (beignets, crêpes, gaufres, pâtisseries de Carnaval).
Pour les personnes souhaitant participer ou organiser un événement, cette période est l’occasion de se procurer des produits associés au Carnaval, de personnaliser leurs costumes, de décorer salons, écoles ou salles des fêtes et de recréer, à leur échelle, l’ambiance des grandes fêtes populaires. Les boutiques physiques comme les plateformes en ligne proposent une large gamme d’articles, du masque artisanal inspiré de Venise aux déguisements humoristiques, en passant par les kits tout prêts pour soirées costumées.
Entre héritage religieux lié au Carême, traditions anciennes de renversement des normes et modernité festive, le Carnaval demeure une fête profondément enracinée dans les cultures du monde. Déguisements, défilés, musiques, produits dérivés et rassemblements populaires y composent un ensemble vivant, en constante réinvention, qui continue de fasciner autant les chercheurs que le grand public.

